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{ Réflexion } J’ai fait ESMOD, maintenant, je vois un psy – on en parle ? #3 BILAN Destruction-Reconstruction

 

Happy mercredi,

Aujourd’hui s’achève la trilogie sur mon expérience à Esmod. Après vous avoir parlé de la manière dont j’ai choisi l’école, ICI, puis mes 3 ans à ESMOD, ICI. Je suis plus qu’agréablement surprise par vos réactions, en commentaire comme en off. Écrire cette série d’articles m’a fait du bien et j’espère qu’elle vous aura au moins expliqué pourquoi je  recommande ou pas l’univers de la mode. Pour ce dernier épisode, on fait le bilan de cette expérience à an + 2.

 

Être stagiaire

La semaine passée, je vous laissais sur mes débuts en stage. A 22 ans, un diplôme quasiment acquis et des espoirs plein la tête, je suis arrivée à Paris pour commencer mon stage en bureau de tendances (je vous expliquerai dans un prochaine article ce qu’est un bureau de tendances). Pour ce dernier stage et, finalement presque le premier puisque les précédents n’ont duré que 2 à 4 semaines, j’ai dû choisir entre deux bureaux de tendances. Mon cœur a choisi celui qui est le plus reconnu et surtout celui qui laissait entrevoir une possibilité de travail à la fin du stage. Je devais faire un stage de 6 mois, j’ai tenu 5 mois. Ma maitre de stage n’a pas pris la peine de retenir mon prénom et n’a a priori pas jugé utile de me donner des choses à faire durant ces 5 mois. On parlait de moi comme d’un objet qu’on se prête entre stylistes. Je n’ai assisté à aucune réunion ni point d’avancement sur les projets, n’ai eu l’occasion de faire mes preuves qu’une seule fois dans des conditions ridicules et ma mission principale consistait à aller acheter les magazines pour les stylistes. Heureusement, j’ai rencontré de supers stagiaires et surtout des stylistes vraiment talentueuses. Je n’aurais pas tenu si elles n’avaient pas été là. Au bout de 5 mois, j’avais fait le temps obligatoire pour obtenir mon diplôme et j’en avais franchement ras le bol de lire des magazines pour m’occuper. J’ai demandé un point à ma maitre de stage, elle ne me l’a jamais accordé “oui, oui quand j’aurais le temps” et un vendredi à 12h je lui ai annoncé que je partais, un autre stage m’attendait, très court mais très bien. Elle m’a fait un scandale et m’a dit toutes les horreurs qui lui sont passées par la tête. Humiliée je suis partie le cœur vide. Bienvenue dans l’univers de la mode ? Heureusement, quand je regarde autour de moi, la plupart des filles ont eu un super stage avec ou sans opportunité de travail après. J’ai donc enchainé avec un petit stage d’une semaine pour une boite de production qui devait réaliser la campagne photo d’une marque de maquillage. Ils avaient besoin d’une styliste photo mais pas de budget. Je suis donc passée d’un stage sans responsabilité ni utilité à un stage sans maitre de stage et avec beaucoup de missions. Ça n’était pas simple, mais j’ai adoré. En une semaine j’ai appris bien plus qu’en 5 mois d’observation. Décembre 2012, je suis officiellement diplômée et à la recherche d’un emploi.

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Le bilan

En deux ans, il s’est passé beaucoup de choses. J’ai cherché du travail, envoyé 500 CV, passé 200 entretiens, j’ai attendu 50 coups de fil, puis j’ai commencé à perdre un peu la foi et me poser 1000 questions. En parallèle, j’ai fait du freelance, des petites missions pour m’occuper, de grosses missions qui m’ont fait espérer. Je n’ai jamais baissé les bras mais j’ai perdu l’envie de travailler dans le milieu de la mode. L’idée de faire du relationnel superficiel ne m’a pas convaincue, me faire exploiter en freelance m’a démotivée. Avant de commencer les études de stylisme, j’avais pleinement conscience de m’engager dans un secteur bouché mais j’avais envie d’y croire. Comme tout le monde, je me suis dit que ma motivation et ma passion feraient la différence. Mais il y a définitivement trop de monde sur le secteur. Quand on fait le calcul, si en moyenne une école sort une promo de 40 personnes par an et que je compte environ 15 écoles françaises, en sachant qu’il y en a beaucoup dont j’ignore l’existence,  je suis à 600 personnes rien qu’en France. Pas besoin d’être étonné quand je demande durant un entretien combien de personne sont face à moi et que l’on me dit “après écrémage il reste 50 personnes”. Le bilan de cette expérience est que mes 3 ans chez Esmod m’ont complètement détruite sur le plan psychologique. Çà m’a détruit parce que ma sensibilité et ma personnalité se sont confrontées à l’ambiance Esmod et l’univers mode qu’ils développent. Chacun vit ses études supérieures différemment bien sûr. Mais quand j’ai commencé à parler de ça, j’ai rencontré des personnes qui ont vécu la même chose et qui ont le sentiment de ne plus être la même personne. J’ai réalisé l’ampleur des dégâts en parlant avec ma psy. Avant de la voir, je savais qu’il y avait un problème. Maintenant je commence à mettre des mots sur ce problème. Je suis entrée avec une personnalité que j’ai gommée au fil du temps parce que j’ai ressenti le besoin de me mouler au monde que j’observais. Par peur d’échouer et de ne pas être acceptée je me suis effacée et ignorée. Je me suis mentie et aujourd’hui je comprends que pour réussir à Esmod je me suis détruite. Maintenant, je reprends le fil des choses, 2 ans après. Et tant pis si je n’ai pas la personnalité pour le milieu de la mode, je suis moi et je le resterai. Lors du premier article, une personne que je connais bien m’a dit “ne mélange pas ce genre d’articles avec ton blog”. C’est à ce moment que j’ai compris que j’avais fait le bon choix. L’idée d’être constamment sous la contrainte du jugement du voisin me dépasse. Je me fous d’être le bon modèle que l’on souhaite. Je suis Margaux, je suis créative et parfois décalée, je n’aime pas le shopping et ne lis jamais la presse féminine, j’aime l’univers des jeux vidéos et les diners en petit comité, je ne sors pas en boite et déteste le vin, j’aime rire et j’aime être entourée de gens qui sont différent de moi… Alors tant pis pour mon “réseau” mode, tant pis si parler ouvertement des défauts du milieu de la mode ne plait pas. J’ai détestée autant que j’ai adoré faire ESMOD et si vous vous demandez si je le referais, vous allez être surpris de savoir que oui, je le referais. Mais, avant, je ferais une mise à niveau en art appliqué pour me forger un peu, pour me libérer créativement, je ferais mes économies pour ne pas avoir le sentiments d’être redevable à vie à  mes parents et enfin je m’interdirais de m’ignorer sous prétexte que je ne suis pas la parfaite petite “modeuse” qu’on attendait.

Aujourd’hui, 5 novembre 2014. J’ai commencé à travailler dans une boutique en tant que vendeuse à mi-temps puis plein temps car le freelance ne me rapportait rien. Aujourd’hui j’ai repris confiance en moi professionnellement. Je ne suis toujours pas prête à travailler dans une entreprise de textile mais j’ai des envies plein la tête et des projets dont je vous parlerai bientôt.

Relire l‘épisode 1 et l’épisode 2